Ce matin de mi-mars, je longe les rails de chemin de fer en direction de l’auberge de L’Aubier, à Montezillon. Perchés sur les forsythia en fleurs, les oiseaux piaillent. Je crois bien que le printemps pointe le bout de son nez.

Après un petit café dans la chaleureuse auberge, je suis le chemin caillouteux en direction du repère de mon hôte du jour : Filippo Valvassori, responsable de la fromagerie de L’Aubier. A peine poussée la porte de la fromagerie, Filippo m’accueille, tablier blanc et casquette sur la tête. Tandis que je m’équipe d’une charlotte et de protèges chaussures, Filippo s’en retourne au nettoyage des moules pour les fabrications du jour : du brie au poivre et les traditionnelles tommes… slurp !

Tout en aspergeant les moules, Filippo pointe du doigt la grande cuve : « Regarde à l’intérieur ! La partie solide s’appelle le caillé. C’est cette partie qui formera le fromage ! », explique-t-il à la néophyte que je suis en la matière. « La partie aqueuse, le petit-lait, sera quant à elle utilisée pour nourrir les cochons ou fertiliser les sols », précise l’expert fromager.

« Tout un fromage »

Mais pour obtenir ce fameux caillé, notre fromager a dû réaliser de nombreuses étapes en amont. En effet, six jours sur sept, Filippo reçoit le lait dès 5h30, le thermise, rabaisse sa température, y ajoute des bactéries lactiques, ainsi que la présure… Si comme moi, ces notions vous paraissent abstraites, croyez-en simplement Filippo : fabriquer du fromage est un processus long et complexe. Il vous dira en effet que lorsque l’on est fromager, l’expression faire tout un fromage prend tout son sens, tant les étapes de production nécessitent temps, patience et précision.

Et à la fromagerie de L’Aubier, c’est Filippo qui est en charge de l’ensemble de ce processus de fabrication. Après une formation en biodynamie en France et un CFC de fromager dans le canton de Fribourg, il est en effet devenu responsable de la fromagerie de L’Aubier, il y a de cela cinq ans : « C’est moi qui m’occupe de recevoir, transformer, affiner et vendre nos fromages », relève-t-il. Si l’ampleur de la tâche semble gargantuesque, c’est manifestement cette compréhension globale qui le passionne : « Mon métier est fascinant, car c’est vraiment tout un monde. Je ne me considère d’ailleurs pas seulement comme un artisan, car je travaille avec une matière vivante », expose Filippo.

Le « caillé »

Mais revenons-en à notre caillé, qui attend toujours patiemment dans sa cuve. Filippo y plonge sa main pour étudier la consistance du caillé : « C’est tout bon ! Maintenant, je vais transvaser le contenu dans les moules », précise-t-il tout en actionnant l’élévation de la cuve.

Grâce à un tuyau qu’il relie à la cuve, Filippo procède donc au « coulage » – ou au « moulage » – de trois plateaux de tommes. « Pour le brie, je remplis une première fois avec le caillé. Puis je répartis le poivre et j’ajoute une deuxième couche de caillé », détaille pédagogiquement Filippo. Quelques minutes plus tard, l’ensemble des quatre plateaux sont prêts ! Dans les prochaines semaines, s’en suivra plusieurs phases d’égouttage, de pressage, de retournements puis d’affinage dans la cave. Vous alléchez certainement déjà, mais pas d’inquiétude… Les pâtes molles confectionnées aujourd’hui pourront déjà être consommées d’ici trois semaines !