Le domaine de l’Abbaye de Fontaine-André
Nous montons la petite route en dessus de la Coudre, passons les ânes qui paissent sur la gauche, puis nous arrivons dans la cour de l’Abbaye de Fontaine-André. Une vieille grange est décorée d’attelage d’époque et de magnifiques jardins entourent l’Abbaye datant du 12 ème siècle. Elle fut fondée par des moines, deux fils de seigneurs de Neuchâtel, autour de la source de Fontaine-André. Elle passa de mains en mains à travers les âges. Elle fut incendiée durant les guerres contre le Duc d’Autriche, reconstruite, louée puis vendue à des privés qui en firent un lieu de villégiature. C’est seulement en 1954 qu’elle reprit un caractère religieux quand les frères des Ecoles chrétiennes s’y installèrent pour accueillir des jeunes de l’Institut Catholique de Neuchâtel. Puis dès 1990, les moines accueillirent toutes personnes désireuses de faire quelques jours de retraite, basée sur la prière et le travail communautaire. Il s’y déroulait aussi des stages ou des séminaires. Il y avait tout le temps du monde et on y mangeait tous ensemble autour d’une grande table garnie d’une abondance de nourriture.
C’est dans cette atmosphère communautaire que Kurt Gisler et sa famille arrivèrent en 2003. Ils reprirent le domaine agricole de l’abbaye qui était à l’époque tenu par les frères. Ces derniers souhaitaient passer le flambeau à une jeunesse plus dynamique. Kurt et sa femme Lucia s’y installèrent alors petit à petit. Ils préférèrent les chèvres aux moutons et commencèrent à faire du fromage dans les vieux bâtiments de l’abbaye. Lucia travaillait pour les frères à l’intendance. En 2008, ils viennent vivre à deux pas des jardins, dans une maison Minergie construite sur le domaine. Ils y vivent jusqu’à aujourd’hui avec leurs trois enfants.
C’est Myrtha, la fille ainée de la famille qui nous fait visiter le domaine. Elle cueille les dernières tomates de l’année, qui iront avec d’autres légumes dans des paniers, préparés chaque semaine pour une petite clientèle chanceuse. Depuis 2013, il n’y a plus de frères et les activités monacales ont disparu. L’abbaye qui nécessitait de sérieuses rénovations a été rachetée par un privé qui assume les travaux en respectant la vénérable demeure. Et c’est avec fierté que la famille Gisler perpétue les activités agricoles dans ce lieu magnifique.
En plus des paniers, Kurt et Lucia proposent un choix de beaux légumes, de fromage de chèvre, des saucisses sèches, du jus de pommes et d’autres produits. Tout ceci est à disposition des promeneurs dans le petit magasin self-service qui se trouve dans la cour de l’abbaye. Ces produits sont aussi vendus dans quelques points de vente aux alentours, dont la Coopérative des Halles.
Les quatre grands jardins sont riches et variées, toujours entourés de belles fleurs. Il y a des lapins, des poules et deux beaux porcs laineux. Les chèvres paissent dans les pâturages alentours tout au long de l’année. Myrtha nous conduit vers Kurt qui travaille dans son « temple » : la fromagerie. Elle est récente et très moderne grâce à l’aide du nouveau propriétaire. Il retourne ses fameuses tommes qu’il produit seulement quand la quantité de lait le lui permet. Il trait ses quarante chèvres deux fois par jour à la main et tient à maintenir ses activités à échelle humaine afin de pouvoir soigner ses animaux comme il se doit. Les chèvres ont toutes un prénom, choisi chaque année selon un thème. Il y a Camomille, Roquette, Artémis, Taiga et bien d’autres.
Kurt Gisler propose 4 fromages différents. Le petit fromage frais « Pleine lune », à déguster sur du pain avec un filet d’huile d’olive et du gros sel par exemple. La tomme, un peu plus ferme qui a une consistance délicieusement élastique. Un fromage mi-dur qu’il affine durant environ deux mois et demi et un fromage dur au lait cru, affiné durant six mois ou plus, au caractère bien trempé.
Ces fromages sont livrés chez nous à la Coopérative des Halles chaque jeudi après-midi. Ils sont accompagnés de quelques beaux légumes suivant la saison, et sporadiquement d’herbes aromatiques, verveine, basilic et de produits transformés, confitures, conserves de courgettes, etc. Venez les découvrir si vous ne les connaissez pas encore !
Novembre 2018 _ Myriam Laribi
Photos_Carolina Restrepo